S’habituer au monde

Ça me prends deux ans pour m’habituer à quelqu’un. J’ai ben de la misère avec le nouveau monde. Demandez à mes amies C. et S. …maudit que ça m’a pris du temps.

Même chose au travail, ça fait presque deux ans que je suis revenue de mon 1er congé de maternité et je me suis enfin habituée à mes nouveaux collègues. L’âge et le sexe n’ont pas d’importance, sont nouveaux, je veux rien savoir. C’est automatique, je sais que je fonctionne comme ça alors j’essaie ben fort quand il faut. Comme avec ma collègue A.

Quand elle est arrivée en avril 2010, j’avais vraiment les quételles. J’avais peur de lui faire peur. Je suis indépendante, perfectionniste (jusqu’à ce que j’ai un bébé) et maîtresse de mes outils à la job. J’ai essayé fort fort de ne pas la repousser. Je ne suis pas sûre d’avoir réussi avant mon départ en congé de maladie en 2011. Mais, là, ça va vraiment bien, je pense.

Une personne à laquelle je ne m’habituerai jamais c’est ma mère ( ma soeur aussi, mais c’est une autre histoire). Ça marche juste pas. Est-ce que c’est son baby blues ? Ses dépressions ? L’alcool ? Sa passivité face à ce que mon père biologique me faisait endurer et le fait qu’elle en a parlé devant moi à quelqu’un qui était un inconnu (une des pires humiliation ever) ? Tsé « j’ai finalement dit quelque chose quand la 2e est née »…chus quoi, moi? Une chance que j’étais voulue, hein. Peu importe qu’elle ait décoré ma chambre, qu’elle m’ait fait des sandwichs au beurre de pinottes et au miel, qu’elle adore la fête et qu’il fallait souligner la Saint-Valentin, Pâques, Noël, alouette… Ça marche juste pas. Quand je pense que ça va s’arranger, ça se désenligne. Manque de considération, commentaire déplacé sur Facebook, pas capable de poser des questions personnelles (désintérêt? peur d’avoir une vraie conversation?) whatever. C’est dur de s’entendre avec quelqu’un avec qui on n’a pas de vraie relation. Ça m’a pris des années avant de pouvoir parler de moi, de mes émotions. Elle n’est pas rendue là encore. C’est une championne du cacassage à propos de n’importe quel sujet (mon neveu, mes soeurs, ma grand-mère, la nécrologie de Valleyfield, le foie gras, son jardin, ses voyages, le chat miteux sur sa galerie…), mais elle est incapable de parler d’elle. Comment voulez-vous avoir une meilleure relation avec quelqu’un qu’il est impossible de connaître ? Je suis une adulte, je suis capable d’entendre parler de ses peurs, ses peines, sa déprime, son cancer, alouette. « Je veux pas en parler ». Ben, c’est ça d’abord, reste tu seule.

C’est comme ça avec d’autres personnes aussi. Pas capable de parler de toi? Je ne suis pas capable de t’écouter. Au moins, mes amies je peux les voir face à face. Je n’ai pas le temps de parler au téléphone pendant des heures pour rien dire et rien entendre. Tsé le monde qui aime ça s’écouter parler ? Je n’ai pas le temps et pas le goût d’avoir des fausses relations juste parce que c’est de la famille, des collègues que je croise chaque jour, etc.

Les reproches

Les reproches qu’on me fait le plus souvent en amitié sont :

  • On dirait que je te dérange.
  • Tu ne me téléphone pas, tu ne m’écris pas.
  • Tu es trop indépendante.
  • Tu n’as pas le temps pour moi.

De toute évidence… :

  • Oui, je suis occupée parce que je m’occupe. Je ne me pogne pas le cul dès que j’arrive chez moi. Soit je regarde quelque chose, je cuisine, je lis, j’écris, je fais du ménage, je fais la vaisselle. Le téléphone sonne, j’arrête de faire ce que je faisais (prendre mon bain, laver le bain, plier le linge, manger du chocolat…). Faque oui, ça me dérange. Ça me dérange encore plus quand le monde me demande si ça me dérange.

 

  • Ben non. Pourquoi j’appellerais ou j’écrirais quand tout est sur Facebook ? Log in, lis et ne te pose plus de questions. Si tu veux me contacter, envoie-moi un message sur Facebook ou à la job. Si tu n’es pas sur Facebook, je suis comme un enfant : loin des yeux, tu n’existes pas. Si tu es sur Facebook, je lis tous tes statuts, je regarde tes photos, je visite les pages de tes amis et celle de ton chum. Si j’ai besoin de te contacter, je vais t’écrire sur Facebook.

 

  • Je n’ai pas toujours été comme ça. Moi aussi j’ai été la fille qui appelle, qui écrit, qui veut prendre des nouvelles, qui veut se sentir moins seule, qui a besoin de savoir que les autres pensent à elle, qui veut être indispensable… Moi aussi j’ai eu besoin de contact. Jusqu’à ce que je sois avec quelqu’un qui était froid et distant, silencieux. Jusqu’à ce que mon amie, collée à son cellulaire et qui travaillait 80 heures par semaine, me dise toujours de rappeler parce qu’elle était dans un magasin, au travail, chez le docteur, à l’épicerie, avec son chum, avec son amie, dans son char. Jusqu’à ce que je passe toutes mes fins de semaine toute seule, en silence. Jusqu’à ce que cette même amie disparaisse un été de temps. Jusqu’à ce qu’un ami choisisse sa blonde avant moi et que je le vois de moins en moins et toujours avec elle. Jusqu’à ce qu’il déménage à Sherbrooke.  Je me suis tannée d’appeler, je me suis tannée des silences, je me suis tannée de pas mal tout…jusqu’à ce que je finisse par me sentir bien toute seule et que je me mette à aimer le silence. Jusqu’à ce que je fasse les choses pour moi-même, que je n’ai plus peur d’être seule au cinéma, de déjeuner toute seule, etc. Maintenant, je ne peux plus endurer les pots de colle, les gens qui veulent être le centre de mon univers, ceux qui ont toujours besoin d’être sécurisés. (Un bébé, c’est pas pareil.)
  • J’aurais du temps pour toi si tu me demandais qu’on se voit. Je suis occupée parce que je m’occupe mais rien n’est coulé dans le béton, en général. Le gym et la piscine se déplacent, le lavage aussi. C’est sûr que si tu m’appelles le jour même, j’ai déjà planifié mes affaires. Mais, une amie m’a demandé trois jours avant de venir à Montréal si on pouvait souper ensemble et j’ai dit oui tout de suite. Quand je veux voir quelqu’un, je lui demande. Si je suis tannée de courir après, j’attends que la personne se libère. Une amie a un horaire de fou. Elle travaille à des heures bizarres et passe des heures en transport en commun. Nos horaires ne correspondent pas et je me suis tannée de me faire dire : je travaille, je vais chez mon chum, je vais à Comicon, etc. J’attends.

Autre chose, j’haïs parler au téléphone. J’haïs ça. J’haîs çaaaaaaaaaaaaaaaaaa. C’est platte. Je ne vois pas la personne, je suis déconcentrée, j’ai le goût de faire d’autre chose, je n’écoute plus. Ça aide pas que les gens qui m’appellent parlent sans cesse et je ne peux pas placer un mot. Y’a rien qui m’énerve plus (pas vrai, plein d’affaires m’énervent) que me faire demander comment ça va ou me faire poser une question et que la personne se remette à parler sans m’écouter.

C’est toutes des choses que je dis quand je rencontre les gens. Je ne me suis jamais cachée de ça.

Qui pense peu se trompe beaucoup ? Je pense beaucoup, je me trompe aussi.

J’ai « cassé » avec ma nouvelle amie hier. Je cherchais une façon de lui dire puis elle m’a écrit un courriel pour me dire qu’elle sentait que je m’éloignais et me faire d’autres reproches.

Je me suis couchée plus tard pour être sûre de lui écrire une réponse qui ne semble pas un reproche ou une accusation.

Je suis en très grosse réflexion sur l’amitié. Encore. J’ai beau y avoir pensé…comme en amour, ça prend de l’entraînement. 100 fois sur le métier remettez votre ouvrage. J’ai beaucoup appris sur le genre de personnes que j’attire, qui m’attire, les drapeaux rouges que j’attribue en amitié.

Ce matin, je suis donc fatiguée. Merci Second Cup de me fournir en caféine.

Legacy

J’aimerais léguer les choses suivantes à ma future fille ou mon futur garçon. Il y a sûrement des choses qui se recoupent :

  1. L’importance d’une bonne santé financière. Payer ses dettes avant de mettre de l’argent de côté, planifier le règlement des comptes en fonction des paies, mettre un petit peu d’argent au cas où, que payer ses comptes et l’épicerie c’est une richesse parce que tu mets l’argent où t’en a besoin.
  2. Le respect de son corps. Ne pas laisser les gens te toucher si tu ne veux pas et être capable de le dire, faire de l’exercice chaque semaine vu qu’on vit longtemps, ne pas se priver côté bouffe mais bien manger quand même, que la sexualité n’est pas sale et qu’elle est bénéfique et très le fun (inclut la masturbation), que tout le monde a un corps et que personne n’est parfait donc il faut aimer ce qu’on a.
  3. L’importance d’une bonne santé mentale. Gérer son stress, diviser les grosses tâches pour qu’elles paraissent moins grosses, se réserver des moments de loisirs pour mieux travailler, avoir du fun, savoir prendre du recul face au jugement des gens et face au travail, ne pas laisser les autres dicter nos émotions ou nos actions, exprimer ses émotions, savoir pleurer pour décompresser, respirer par le ventre, accepter ses limites, savoir laisser aller, reconnaître et accepter ses émotions, reconnaître ses torts et s’excuser, reconnaître avoir besoin d’aide n’est pas un signe de faiblesse.
  4. L’amitié passe presque avant tout et en amitié comme en amour… Savoir choisir ses amis et ses amoureux, reconnaître les bons coups, être capable de reconnaître les drapeaux rouges, savoir communiquer sans crier ni frapper, savoir quand lâcher prise, être capable d’être là pour les autres en écoutant et en posant des questions sans chercher à réparer ce qui nous semble brisé mais qui ne l’est pas, savoir exprimer ses besoins, savoir quand partir…
  5. Cuisiner ! Entre autres, comment suivre une recette et quand improviser, l’hygiène dans la cuisine.
  6. C’est bien d’être inquiet pour certaines choses, mais c’est pas nécessaire de virer fou.
  7. Si on ne réussit pas du premier coup, réessayer en gardant en tête que si tu fais toujours les choses de la même façon en espérant des résultats différents, c’est pas logique. Ça marche avec tout. Quand il se passe toujours la même chose, qu’il y a des patterns, il est temps de changer de chemin !
  8. Ça donne rien de chiâler pendant cent ans. Si tu es insatisfait, change les choses.
  9. Personne ne lit dans tes pensées, exprime-toi.
  10. Les adultes ne sont pas des super héros, ils sont humains. Ils font des erreurs. Les adultes tombent amoureux aussi, ils ont de la peine aussi, ils méritent une vie à part de leurs enfants.
  11. Les dents ne sont pas faites que pour mordre, il faut aussi sourire.
  12. Qui pense peu se trompe beaucoup.

Et bien d’autres !

Maudite communication, maudits secrets

J’ai été tellement toute seule longtemps. Peu d’amis, une famille que j’haïssais, des chums insignifiants, pas importants. J’ai été seule dans une famille de cinq, seule dans un couple, seule toute-toute-seule. Seule face à un agresseur, seule face à l’échec, seule devant le temps qui s’étire, qui finit pus.

Entre les secrets qu’on m’a demandé de tenir, les miens que je ne pouvais pas raconter, les choses que j’ai découvert par hasard, j’ai ressenti beaucoup de colère.Il y a, en plus, les choses « pas importantes » qu’on tait. J’ai découvert la solitude. Le silence.

Je ne sais pas combien de fois j’ai tu des choses vraies, des émotions intenses, des malaises profonds. Je ne sais pas combien de fois je suis allée seule à l’hôpital sans en parler à personne ou en faisant semblant que ce n’est pas grave. Combien de secrets j’ai gardé, importants ou non. Des secrets sur des viols, de l’inceste, des maladies mentales, ces choses qui devraient être dites. Des secrets niaiseux sur qui reçoit un plus gros cadeau, qui a un blog, qui a le plus gros salaire. Pourquoi on se dit rien ? Pourquoi, comment ça se fait que les gens ne posent pas les vraies questions ?

Au primaire, j’ai eu une amie qui se faisait battre par sa mère. J’en ai eu une autre que son père avait touchée. Et ce n’étaient même pas mes premiers secrets. J’étais troublée. Mais, je n’avais personne avec qui en parler de toute façon.

Il y a quelques années, ma mère ET ma soeur m’ont raconté qu’elles ont vécu de l’inceste. C’était un premier pas qui s’est pas mal fini là. Pas moyen de vider le sac, de faire le tour de la question. Moi, j’étais pognée avec ça parce que c’est un secret. Moi, j’étais en ébullition, mais je ne pouvais raconter ça à personne. J’haïs les secrets. Pis les surprises. Ça m’est tombé dessus comme une brique. Ma mère n’a pas jugé important de nous dire ça avant. Elle n’a pas jugé important de me dire qui lui avait fait ça. On a probablement cette personne-là dans notre entourage encore… Pour ma soeur, eh bien, je suis tombée malade. À retenir ce secret-là, j’ai fait une dépression.

Je déteste les surprises. Comme quand j’ai appris sur internet qu’un membre de la famille était décédé. Deux fois! Comme quand j’ai appris juste avant que ça arrive que mon chum crissait sa job là sans en avoir une autre qui l’attend ou comme quand j’ai appris qu’un de mes ex avait écrit sur son blog qu’il m’avait trompée.

Est-ce que c’est par peur de la colère que les gens se taisent ? Par peur de se faire juger ? Ou, comme mon chum m’a dit tantôt, parce que c’est pas important ? Comment est-ce que quelqu’un peut juger de ce qui est sans importance ? Parler de ce qui se passe, ça permet de dédramatiser, de rire, de ne plus être seul, de voir la vérité, de se soulager, d’être avec la personne qui écoute. Parler peut rapprocher. Et si ça éloigne, c’est que l’autre personne ne mérite pas de faire partie de notre vie.

Comment faire pour qu’un couple sacre le camp dans les poubelles ? Ne rien se dire. Parce que c’est pas important ou que c’est platte. Laisse-moi te dire que « j’ai fait une lasagne aujourd’hui » c’est crissement plus platte à se dire que « hey, ma prof n’a pas transmis nos notes et l’école nous a mis un échec sur notre bulletin ». Chacun dans sa cuisine, dans son bureau, dans son salon, il y a un tas de mots qui se perdent dans l’espace. Je trouve ça enrageant d’entendre les affaires les plus poches du genre « on as-tu quelque chose à écouter », d’être obligée de poser des questions pour savoir ce qui se passe, peu importe ce que c’est. « Il ne se passe rien ». Ça me décourage quand quelqu’un me dit ça. Il ne se passe rien, ça veut dire que la vie est platte en maudit. Il n’y a pas de découvertes, pas de réflexions, pas de questions existentielles, pas de comédie loufoque sur la vie quotidienne.

Qu’est-ce qui est si dur à comprendre dans « je veux savoir ce qui se passe dans ta vie parce que je m’intéresse à toi »? Qu’est-ce qui est si dur à comprendre dans « je suis ton amie, je suis là pour toi, parle-moi »? Qu’est-ce qui est si dur à comprendre dans « on est ensemble, je veux (presque) tout savoir, je veux partager avec toi ta vie »?

J’en ai des amis maintenant. J’ai un chum que j’aime aussi. Je suis présente. Je suis LÀ. Comme je ne l’ai jamais été avant. Mes oreilles sont ouvertes. Comment ça se fait d’abord que j’ai su que mon amie avait eu peur d’avoir un cancer de la peau des semaines après le rendez-vous chez le médecin ? « Pas important » qu’elle m’a dit. Scuse ?!

Comment ça se fait que j’ai eu des tas de relations supposément intimes où on ne se disait rien ? Je n’écoutais pas ce que l’autre disait la moitié du temps et je ne parlais pas. Pas pire, hein, j’avais la paix. L’autre ne demandait pas comment ça va non plus.  Comment ça se fait que j’ai encore des relations supposément intimes qui ressemblent à ça même si j’ai changé ?

Je me demande franchement si ça vaut la peine d’être intéressée si c’est pour avoir l’impression d’achaler le monde, pour me faire dire que c’est pas important, ou, même, si c’est pour écouter du monde parler, chiâler ! pendant des heures et ne pas demander sincèrement comment, moi, je vais. Il y a ça aussi. Il y a du monde qui ne parle pas. Il y a des gens qui n’écoutent pas.

Moi, j’essaie. Maudit que j’essaie. Mais, je ne sais plus si ça vaut la peine. Je trouve ça négatif de ma part. Mais, en quelque part, si quelqu’un ne parle pas, ben, qu’elle s’arrange toute seule. Et si quelqu’un passe son temps à parler d’elle-même sans arrêter deux secondes (tsé le genre de personne qui ne dit pas comment elle se sent, elle fait juste chiâler sur tout, mais elle ne veut rien changer), ben qu’elle ne se demande pas pourquoi je n’écoute plus.

Argh.

Est-ce que ça veut dire que je ne devrais plus parler ? Que ce que je dis n’est pas important ? Comment connaître vraiment quelqu’un si la personne « cache » des choses ? Je ne veux pas tout savoir ni tout dire. Mais, il y a des choses qui sont importantes.